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    LA FÈTE CONTINUE

     

    La Croisette s'éveille, elle n'en croit pas ses yeux,

    Elle s'éponge, elle ruisselle, elle a cru voir des dieux.

    Le tapis qu'on déroule comme un Saint Sacrement

    Attend un vrai déluge aux couleurs de diamants.

    Les barrières qui craquent et poussent des soupirs

    Annoncent un Festival où l'on doit applaudir.

    Ce n'étaient pas les mêmes, ces applaudissements,

    Ils attendaient un Prince, Grace avait du talent.

    Le mistral qui s'annonce m'emmènera plus tard

    Au palais qui domine et nous attend le soir.

    Est-ce lui qui empêche de pousser la chanson

    À Orange la belle, fait fuir les papes d'Avignon?

    C'est Hamlet aujourd'hui qui meurt dans les murailles,

    Mais c'est Vilar qui joue, personne ne le remplace.

    La foule immobile reste jusqu'à l'aurore,

    Simone s'en souvient, elle jouait Casque d'Or.

    Le vent qui me pousse vers l'accent du pays

    Laisse rouler dans l'air la roche du midi,

    Elle nous vient des Corbières puisqu'elles l'avaient choisi.

    Y a-t-il chanté Toulouse? Il ne l'a jamais dit.

    Mais on croit que parfois on entend vers le soir

    Avec la tramontane une bulle de jazz.

    Je la déposerai dans un précieux calice

    Au milieu des pavés qui l'ont rendue plus libre.

    C'est la fête aujourd'hui, c'est le jour de l'été,

    Je vous en supplie, laissez-moi encore l'aimer

    Même si la rime n'a pas trouvé sa place,

    J'en ai connu bien d'autres où l'on rit, où l'on danse,

    On n'y est jamais assis, on trinque debout,

    Les portes de la ville sont ouvertes pour vous.

    C'est Mozart qu'on invite aujourd'hui, même dans le silence

    Les murs s'en souviennent, y a-t-il laissé sa manne?

    Les cloches de Salzbourg sonnent pour cet enfant,

    on ne le savait pas encore, il s'appelait Wolfgang.

    Mais tout cela, je sais, vous pouviez mieux l'écrire

    Avec de beaux sonnets, alexandrins, je vous admire.

    Mais un soir de septembre, je les ai oubliés,

    Quand au fond d'une rue j'ai entendu jour

    Ce vieux refrain de l'accordéoniste,

    Il revenait parfois, il était de l'artiste

    Toute habillée de noir, elle ouvrait grand ses bras,

    Pour nous donner l'espoir que nous n'avions pas.

    Elle parlait de manèges allumés, de lampions,

    J'ai changé les paroles mais j'ai gardé le son,

    On ne l'entendra pas, il reste dans mes entrailles.

    Il me surprend souvent et sans que je m'y attende,

    J'entends comme une valse qui donne le frisson,

    Avec la musique, elle revient, ma chanson:

    Les poèmes continuent,

    Ils nous viennent de loi,

    Ils nous suivent dans la rue,

    Ils n'ont jamais de frein.

    Boris Vian les invente,

    Ils reviendront demain,

    Ils font vibrer les caves,

    Celles de Saint-Germain.

     

    Jacqueline Tournier

     

     

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    Un soir, la Camargue

     

    Tu es le sable fou

    Sur la mer infinie,

    Le Sable merveilleux

    Où parle le silence,

    Tu rougis vers le soir

    Quand le soleil s'avance

    Vers ce même bonheur

    Qui nous avait surpris.

     

    Regarde scintiller

    Les crépuscules d'or

    Sur le gris broussailleux

    Des chevaux de Camargue,

    Regarde la lumière

    Quand cet enfant s'endort

    Dans le creux de ta main

    Pour échapper aux larmes.

     

    Tu es le vent sublime,

    Tu parles à l'insoumis,

    Le vent des religions

    Que les gitans jalousent,

    Tu retiens la prière

    Vers les Saintes Maries,

    Tu es la course folle

    De l'animal farouche.

     

    Regarde s'envoler

    Le vaisseau bleu argent

    Dans le ciel poussiéreux

    Des terres de Camargue,

    Elles nous prennent à la gorge

    Dès le premier instant

    Comme le vin, le gris

    Qu'on appelle des sables.

     

    Jacqueline TOURNIER

     

     

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