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Par spaf mp le 7 Février 2013 à 14:36
PAROLES DE GISANTE
« Vous qui lorgnez de haut nos corps roides et froids,
Nos mains dévotement jointes sur une croix,
Nos fronts muets étreints dans l’étau des couronnes
Et nos bliauts sculptés en longs plis monotones,
Sous les carcans de pierre, entendrez-vous les cœurs
Battre l’ardent rappel de fièvres, de fureurs ?
Savez-vous que je fus duchesse et deux fois reine ?
Que j’osai soulever ma rancœur souveraine
Contre l’époux qui dort à présent près de moi,
Pour voir périr aussi mon fils, tout juste roi,
Puis ma bru, vaine veuve aux entrailles stériles ?
Voyez-nous reposer côte à côte, tranquilles,
En paix dans le tombeau comme jamais vivants,
Quand notre orgueil jetait ses cris aux quatre vents !
Ne sommes-nous vraiment qu’un dur poids de Carrare
Étendu sous la voûte où le songe s’égare ?
Ou notre âme parfois vient-elle obscurément
Verser à notre ennui son doux chuchotement,
Sous l’éternel regard qui de partout peut-être,
Du vitrail, de l’ogive ou des tréfonds de l’Être,
Voit comme une fragile et frivole entité
Ceux qui sont en ce monde et ceux qui l’ont quitté,
Nous, spectres cuirassés de roc incorruptible,
Et vous, passants d’un jour que le temps prend pour cible ?
Votre pas qui s’éteint, qu’emporte-t-il d’ici ?
Un souvenir bientôt recouvert d’un souci,
Confuse image au bord d’une vague pensée,
Étincelle dans l’ombre à l’instant effacée…
Vous oublierez, nous dormirons encore un peu,
Sans émois, sans soupirs, sans tendresse et sans feu,
Puis nous disparaîtrons quand on verra la pierre,
Marbre même et granit, se résoudre en poussière."
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Par spaf mp le 23 Novembre 2012 à 14:58
LE JARDIN DÉLAISSÉ
Du sol sec cent fois rebattu,
Entre le chiendent et la mousse,
Obstiné, le narcisse pousse
Et flamboie à fleur que veux-tu;
L'ancolie et la primevère,
En sauvageonnes sans façons,
Aux allées comme au vieux gazon,
Prodiguent leur graine légère;
L'iris foisonne; du lilas
Les drageons lutinent les branches;
Le rosier pimprenelle épanche
Le fouillis de ses falbalas:
Ô jardin que la main délaisse,
Paradis perdu sans fracas,
Fruste éden qui ne songes qu'à
Fleurir et refleurir sans cesse,
Ô frère naïf de ce Mont
Où la Muse oubliée sommeille,
En rêvant qu'un Orphée réveille
Les rythmes purs que nous aimons!
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Par spaf mp le 23 Novembre 2012 à 14:53
VIEILLIR
Soudain le temps a rétréci ;
Nous n’irons plus jamais ensemble
Frayer les sentiers sans souci
Où nos pas s’inventaient un amble.
Plus jamais la vie en nos corps
N’épanouira la merveille
D’un être neuf, dont le décor
De notre avenir s’ensoleille.
Plus jamais nous ne dormirons
Sans peur d’une aube désastreuse,
Ni n’effacerons de nos fronts
Les rides que l’angoisse y creuse.
Le temps emporte, amis, amours,
Vos chants, vos rires, vos caresses,
Et peut-être viendront des jours
Où j’en oublierai la tendresse.
Mais vous serez, amours, amis,
Dans les trous noirs de ma mémoire,
L’envers généreux du semis
Qui grain par grain brode une histoire.
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Par spaf mp le 18 Octobre 2012 à 14:53
NOCTURNE
La nuit est douce:
parlez-moi doucement;
parlez de rien, de tout,
de vous quand vous étiez enfant,
de tout le temps que nous n'avons pas vu
et que nous ne verrons jamais ensemble,
de la peine inconnue qui nous attend,
de l'absence et du vide à venir.
La nuit est claire:
parlez-moi de la voix tranquille
qu'on réserve à l'ami de longue date;
choisissez à loisir les mots,
laissez prendre forme sans hâte
les phrases que j'écouterais sans crainte,
sans vains efforts de politesse pour répondre.
La nuit est sereine et profonde:
parlez aussi longtemps que bon vous semble,
ou, si vous aimez mieux
poser votre silence auprès du mien,
je vous écouterais vous taire,
en priant Dieu
que jamais cette nuit ne vît poindre sa fin!
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Par spaf mp le 21 Juin 2012 à 11:48
MÉLANCOLIE DE PRINTEMPS
Les matins sont plus clairs, le jour bleu fraternise
Avec l’odeur de miel éparse au fil du vent ;
Le chat, gourd de tiédeur, assoupi sous l’auvent,
Laisse l’oiseau chanter comme en Terre Promise.
L’insecte de soleil et de nectar se grise ;
L’ombre est douce quand passe, au zénith dérivant,
Un nuage égaré qui s’éloigne en rêvant
- Peut-être - de pleurer ses embruns sur Venise.
Le cœur vibre, aussi vif que les vols de pinsons
Guettant sur les blés verts la blondeur des moissons,
Mais aux larmes d’avril le voici qui frissonne :
Tant de printemps déjà pour jamais révolus
Et tant d’êtres chéris qu’on ne reverra plus !
Est-ce un glas, blanc muguet, que ta clochette sonne ?
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